KENYA #62 : À L'HEURE OÙ LES GRANDS FAUVES VONT BOIRE

Un soir, exténués d'une journée de balade en plein soleil sur les routes les plus chaotiques du pays, nous nous régalons d'avance de la piscine de l'hôtel...
Pour retourner dans le parc, comme d'habitude, il faut montrer patte blanche aux gardes du poste militaire. On prend l'air aimable et le temps de discuter un peu. L'un d'eux ayant entendu notre destination nous demande de prendre en stop deux Masaï qui vont y travailler. L'affaire est entendue, et notre nouvelle équipe prend la route.

Les deux passagers, nos enièmes autostoppeurs, sont vraiment différents. L'un est un vieillard taciturne, peut-être aveugle, qui inspire immédiatement le respect. Il va jouer de la musique à l'hôtel. L'autre est encore très jeune. Il va animer la soirée de chants et de récits.

J'entame la discussion avec ironie, et ris un peu de nos G.O. qui vont jouer aux bons sauvages pour les touristes aisés.
Mais le plus jeune est vraiment bavard et souhaite nous raconter un peu de sa vie. Il me demande de l'interroger : On aborde des questions pratiques, culturelles ou politiques ("Que faites-vous de l'argent que vous donnent les clients si votre communauté vit sans monnaie ?", "Êtes-vous polygames ?", "Pourquoi les Masaï n'habitent-ils plus leurs terres ?").
D'abord incrédule, je l'écoute me raconter aussi le rite initiatique de chasseur auquel il aurait participé à la fin de son adolescence. Je tente de lui faire dire que c'est un épisode de roman mais non, il insiste : lui n'est pas devenu chasseur dans la tribu parce qu'il n'a pas tué de lion. "Mais c'est illégal, de toutes façons", lui opposai-je. Il finira de me convaincre en m'avouant à mi-mots que certaines traditions leur imposent de braver les lois des hommes...

Et puis soudain il tend le bras vers nulle part, et nous demande de quitter la route : Il a vu deux léopards se reposer dans la savane et nous emmène observer de près une femelle et son chaton sauvage...

À peine avons-nous repris la route qu'il nous demande à nouveau de stopper : juste en bord de route, mais bien camouflée par un talus et les herbes hautes niche une portée de bébés hyènes !

Nous sommes immensément reconnaissants à nos passagers de nous avoir dévoilé ces lieux rares mais bon, le couvre-feu approche et on ne voudrait pas non plus les déposer au boulot en retard. Faut reprendre la route dare-dare.

Un kilomètre plus loin, notre masaï me pose enfin cette question entendue des dizaines de fois : "Have you seen lion ?" - mais jamais jusqu'ici elle n'avait été dite sur ce ton...

(à suivre)

Comments

[Tonton]

"C'est trop Beau çà!"
Tonton les yeux émerveillés, "J'en voudrai bien des commes çà dans mon jardin...ou je me roule dans l'herbe mouillée!"

[Sandrine]

Merci pour tes épisodes trépidants!!! Quel bonheur de sentir la chaleur et l'odeur de la terre africaine...à côté de nos pluies diluviennes bretonnes! Battements de coeur et regard émerveillé à la vue des fauves dans leur habitat naturel.
Bonne route!
SAndrine
ps: Peux tu nous rapporter de la terre, juste un petit peu? Tata