HELSINKI #52 : MOSKVA
Les films de Mika Kaurismäki ("Helsinki-Napoli", "I love L.A."...) ne sont pas terribles.
En revanche, ceux de son frère cadet, Aki ("La fille aux allumettes", "Leningrad cowboys go America", "Au loin s'en vont les nuages"...) sont presque tous des chefs d'œuvre, des écrins d'humour absurde, poétique et alcoolique.
Les deux frères assurent à eux seuls 20% de la production finlandaise.
Et ils ont un bar à Helsinki !
Le Moskva n'est pas facile à trouver : Il faut pour cela arpenter toute la rue, et trouver le seul établissement sans enseigne, qui ressemble plutôt de l'extérieur à une maison de retraite décatie.
L'intérieur aussi est de toute splendeur.
C'est une accumulation d'objets éclectiques, qui donnent l'impression d'avoir échoué par hasard sur les murs, ou d'avoir été accrochés il y a quelques décennies - sans que personne n'y prête plus attention.
Aussi, sous le regard bienveillant de Matti Pellonpää (l'acteur fétiche des frères Kaurismäki, mort en 1995), veillissent des bibelots évoquant la Russie des années 1950.
Aux murs, je compte trois calendriers. Aucun n'indique la date du jour.
Un pick-up crachote de la musique vinyle.
Les clients ont l'air d'avoir été triés sur le volet, pour donner l'impression d'un heureux hasard bordélique. Des molosses russes débarquent, se jettent deux shots de vodka et repartent sans avoir décroché un mot. Au bar une fille boit un thé. On remarque à table des hommes d'affaire sans âge, des étudiants attardés, un japonaise perdue, un photographe... Un jeune qui tente de boire de coups sans en avoir l'âge légal se fait virer à coup de pied dans le cul.
Et nous sommes deux français, ébahis, vissés au comptoir.
La seule employée sert vivement les clients, change les disques, et prépare l'unique spécialité culinaire du lieu, les cornichons au miel. De tout ce temps, elle n'a pas décroché un sourire.
Le Moskva n'a pas d'adresse.
C'est la meilleure d'Helsinki.